Expérience de vie

Victime ou non

19h28 L’air est doux. La promeneuse respire à fond, d’un pas rapide, la musique enlevante. Fébrile, elle débute son circuit habituel sans aucune pensée surtout d’être une victime potentielle.

19h57 Le soleil est couché.  Un restant de rayon s’éteint.  Les ombres envahissent le ciel ombragé.  Le vent est de plus en plus frisquet.

Elle décide soudainement de changer son trajet, question de faire plus de pas, plus d’exercice, influencée par sa prise de décision de remise en forme quotidienne.

Elle marche toujours d’un pas décidé quoiqu’elle ne connaisse pas vraiment les lieux.

Rencontre

Quelqu’un klaxonne.  Elle sursaute. Encore des gamins en voiture qui se croient roi du stationnement du centre commercial.

Elle semble entendre crier.  Doit-elle ralentir ? Et si, c’était une personne en détresse ? Une victime ?

Les cris semblent provenir du stationnement souterrain. Elle voit une camionnette.  Claquements de portes. Les cris cessent, aucune idée de leur direction. Un mauvais sentiment la gagne lentement, sûrement.  De la noirceur. Pure et noire.

20h14 Elle monte le son de sa musique, question de ne rien entendre, question de ne pas s’en poser.

Elle voit quelque chose dans le bas-côté du chemin.  Ça bouge encore.  C’est sombre. Aucun lampadaire n’éclaire suffisamment. Elle plisse les yeux.  Un animal semble se débattre. Une pauvre victime. Un frisson de dégoût la traverse soudainement. Qui peut faire du mal à un être et le laisser là pour contre ? Devrais-je le ramasser ? L’aider ou l’achever ?

Mais un autre frisson monte lentement le long de son échine.

En gang

Un pas trainant, une silhouette vague surgit au coin de la rue. Les poils se hissent dans son cou. Son souffle est court, rapide, nerveux.

La silhouette se divise en trois… adolescents, avec un sourire moqueur. Ils s’approchent, en prenant tout l’espace du trottoir.  Leur regard est arrogant et lance un défi à la promeneuse.  En la croisant, ils la bousculent en ricanant, croyant lui faire peur.  Ils l’interpellent se croyant tout permis.

Elle fait deux pas.  Arrête.  Je ne sui pas une victime. Phase 1. Son cœur ne bat plus. Ils rigolent et lui lancent des invitations disgracieuses. Elle arrête sa musique, range son appareil. Phase 2. Se tourne vers eux lentement, lèvent les yeux, sourire machiavélique et leur demande de sa voix gutturale :

« C’est bien à moi que vous parlez? »

Mais qui est donc cette promeneuse ?

Renée L’Abbé
16 septembre 2012