Expérience de vie Reflexions

Surprotection

La surprotection est basée sur une intention positive, mais elle brime avant tout l’autonomie.  C’est l’excès.  Vouloir protéger son enfant du monde extérieur est tout à fait normal pour les parents.  Mais dans l’excès, nous empêchons l’enfant de faire ses propres découvertes, ses explorations.  Nous voulons tous empêcher les enfants de se faire mal, en tombant ou par exemple, se brûler en touchant les ronds du poêle.

Rappelons-nous que c’est par l’expérience que nous évoluons dans la vie.  Nous devons laisser l’autonomie aux enfants afin de leur permettre de faire leur propre apprentissage au cours de leur vie.  Je ne parle pas que pour les enfants en bas âge mais également, aux jeunes adultes.  Offrir l’autonomie à un enfant est le plus cadeau qu’un parent peut lui donner pour faire face aux nombreux défis dans la vie.  Ici, je parle par expérience.

Je suis l’enfant surprotégée.  Je n’en veux pas à mes parents non plus, n’ayant pas de guide d’utilisateur à ma naissance,. Ils ont procédé avec leurs expérience de parents de deux garçons et utiliser de l’improvisation pour une bonne partie soit, essai-erreur.  Cette surprotection a été transmise à mes frères envers moi.  J’étais tellement été protégé que, lorsque vint le moment de ma première opération d’adulte, le chirurgien voulait voir une cicatrice afin de déterminer ma guérison.  Je n’en avais aucune.  Ce sont mes frères qui les avaient pour moi!

Cette protection un peu excessive s’est portée sur ma possible fréquentation avec un garçon.  Oubliez ça ! Mes frères étaient en avant-poste, aucun gars ne réussissait à se faufiler à travers les tranchées, les barbelés ou pièges.  Comme surprotection, j’ai même eu droit à un couvre-feu estival. J’ai eu le malheur de « découcher » chez une amie, un vendredi soir sans avertir ma mère; je me suis endormie et mon amie ne m’a pas réveillée.

La surprotection s’est étendue à ma vingtaine, j’ai été beaucoup malade et mes parents m’ont gardé à la maison.  Je payais une pension, ridicule.  C’est moi qui devais l’augmenter.  Je n’ai jamais aimé demeurer en appartement et vous comprendrez pourquoi, j’ai vécu environ 11 mois en tout en appartement, seule, au cours de ma vie; 7 mois à Nicolet et 4 mois dans ma ville natale.  La majorité de mon temps, je l’ai vécu chez mes parents.  Petite pension, petites responsabilités, augmentation du train de vie.

Quand fut le temps de me prendre en main, je venais d’avoir 35 ans.  J’ai acheté ma première maison, les 6 premiers mois furent difficile en adaptation.  Faire face à toute cette réalité que sont l’entretien d’une maison, du terrain, de l’épicerie, des repas, des paiements et, du train de vie qui devait éventuellement diminuer.

Je ne regrette rien du temps de chez mes parents. Mais, sincèrement, ils auraient dû me pousser en bas du nid bien avant.  Mon adaptation n’aurait pas été plus facile mais plus rapide.  J’aurais appris la vraie valeur des biens, des paiements et de ma capacité à tout payer.

Je remarque aujourd’hui, le même problème avec les jeunes adultes.  Les parents les gardent à la maison soit à cause des études prolongées, du prix des loyers excessifs, des maisons de moins en moins abordables.  Ils vont faire face aux mêmes problèmes, les enfants travaillent, gagnent un salaire mais n’apprennent pas tous les responsabilités de la vie.  Combien de parents me disent fièrement que le jeune adulte maintenant en appartement depuis peu, trouve que ça coûte cher l’épicerie ! Il ne peut plus se permette ce qu’il mangeait chez maman et papa.

Nous avons créé une génération qui veut tout avoir, ici et maintenant.  Pourtant, nous les regardons aller et on se dit, ça va arrêter un moment donné. Nous sommes en situation de manne présentement pour les travailleurs de notre région. Que vont-ils faire quand les salaires ne seront plus là ?  Ils sont « accoter » à la gorge, si on fait face à un ralentissement économique, ils vont faire quoi pour payer ? Vendre leur maison ? Le marché risque de se retrouver inondé de maison. L’offre étant plus grande que la demande, le prix des maisons va finir par chuter, ils devront vendre à perte.

J’essayais d’expliquer à une jeune adulte le principe du lâcher-prise.  Elle ne comprenait pas.  J’aimerais tellement lui transmettre mes connaissances mais, ça ne se montre pas, ça s’apprend par soi-même.  C’est la même chose pour le train de vie.

Nos jeunes adultes vont apprendre par eux-mêmes les rudiments de la vie. Et ce, malgré le fait que nous, les plus vieux, voudrions tellement leur apprendre, leur transmettre nos connaissances.  Nous avons vécu avant l’ère de protection par les lois gouvernementales et nous sommes vivants, ici, je parle de ceinture de sécurité, boire l’eau à même le boyau d’arrosage ou creuser des igloos dans un banc de neige et non de la violence envers les démunis.

Donner l’autonomie à nos enfants leur permettra de devenir des jeunes adultes plus alertes, plus apte à s’adapter mais pas plus connaisseurs de la vie.  Parce que, la vie, ça s’apprend avec l’expérience sans surprotection.  Même si l’expérience échoue, il y a toujours un côté positif à apprendre, c’est ce qui nous permet de ne pas recommencer l’échec mais de grandir encore, et encore.

Alors, si votre adolescent ne veut pas mettre sa tuque à -25 ou -35 °C, ça sert à rien de lui mettre sur la tête parce que vous savez très bien qu’entre vous et moi, il va l’enlever au prochain coin du rue.  Mettez sa tuque dans son sac à dos, quand il aura les oreilles gelées et verra rendu à son casier qu’elle est dans son sac, au cas où, il va probablement la mettre au retour.  Je le sais, je l’ai fait !

Renée L’Abbé
22 janvier 2013